Quid de la naissance d’une décision implicite de rejet durant l’état d’urgence sanitaire ?

Publié le 30 Avril 2020

Quid de la naissance d’une décision implicite de rejet durant l’état d’urgence sanitaire ?

Dans la continuité de mon précédent billet portant sur l’adaptation des délais de procédure durant l’état d’urgence sanitaire, je vous propose un article traitant du cas spécifique des décisions implicites de rejet en période d'état d'urgence sanitaire.

 

Lorsqu’un agent public ou un administré exerce un recours administratif (gracieux ou hiérarchique) à l’encontre d’une décision ou qu’il transmet une réclamation indemnitaire préalable à l’administration, cette dernière dispose d’un délai de deux mois pour répondre.

 

Dans de nombreuses matières, le silence de l’administration vaut rejet.

 

Dit autrement, dans les suites du dépôt d’un recours administratif ou d’une réclamation préalable, l’absence de réponse de l’administration à l’issue d’un délai de deux mois fait naître une « décision implicite de rejet ».

 

Cette décision doit être contestée devant le Tribunal administratif dans un délai de deux mois qui court à compter de « la date de naissance » de la décision implicite de rejet.

 

L’identification de la « date de naissance » de la décision implicite de rejet constitue donc un enjeu fondamental dans la mesure où cette date conditionnera la recevabilité du recours déposé devant le Juge administratif :

 

  • Si le recours contentieux est déposé prématurément, avant la naissance de la décision implicite de rejet, la saisine du Tribunal administratif sera irrecevable (même s’il existe des hypothèses de régularisation)
  • Si le recours est déposé trop tardivement, au-delà du délai de deux mois, en raison d’une erreur d’identification de la date de naissance de la décision implicite de rejet, la saisine du Tribunal administratif sera irrecevable

 

Or, en raison de la paralysie administrative de notre pays durant la période d’état d’urgence sanitaire, les règles relatives à la naissance des décisions implicites de rejet devaient nécessairement être aménagées.

 

Cet article propose donc une synthèse des règles qui permettent d’identifier la date de naissance des décisions implicites pendant la période d’état d'urgence sanitaire.

 

L’article 7 de l’ordonnance n° 2020-306 du 15 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, modifiée par l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020, prévoit ce qui suit :

 

« Sous réserve des obligations qui découlent d’un engagement international ou du droit de l’Union européenne, les délais à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis de l’un des organismes ou personnes mentionnés à l’article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er [soit jusqu’au 24 juin 2020]

Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l’article 1er est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci.

(…). »

 

Conformément aux dispositions précitées, deux hypothèses doivent être envisagées :

 

  • Si le recours administratif ou la réclamation préalable ont été notifiés à l’administration avant le 12 mars 2020 :

 

Dans cette hypothèse, le délai de deux mois, à l’issue duquel une décision implicite devait naître, est suspendu à compter du 12 mars 2020 jusqu’au 24 juin 2020.

 

A titre d’exemple, en cas de recours gracieux/réclamation préalable notifié(e) le 14 janvier 2020 et en l’absence de réponse de l’administration à l’issue d’un délai de deux mois, une décision implicite de rejet serait née le 14 mars 2020.

 

Or, par l’effet de l’ordonnance, ce délai a été suspendu du 12 mars 2020 au 24 juin 2020.

En raison de la suspension, le délai a donc couru pour une durée de deux mois moins deux jours jusqu’au 12 mars 2020.

 

A compter du 24 juin 2020, le délai recommencera donc à courir pour une durée de deux jours, soit jusqu’au 26 juin 2020.

 

La date du 26 juin 2020 constituera donc la date de naissance de la décision implicite de rejet (qui devra être contestée dans un délai de deux mois devant le Tribunal administratif).

 

  • Si le recours administratif ou la réclamation préalable ont été notifiés à l’administration pendant la période débutant à compter du 12 mars 2020 :

 

Dans cette hypothèse, le délai de réponse de l’administration d’une durée de deux mois ne commencera pas à courir à compter de la notification du recours adminstratif/réclamation préalable et ce délai commencera réellement à courir à compter du 24 juin 2020.

 

A titre d’exemple, en cas de recours gracieux/réclamation préalable notifié(e) le 14 mars 2020 et en l’absence de réponse de l’administration à l’issue d’un délai de deux mois, une décision implicite de rejet serait née le 14 mai 2020.

 

Or, par l’effet de l’ordonnance, le point de départ du délai de réponse a été reporté au 24 juin 2020.

 

A compter du 24 juin 2020, le délai commencera donc à courir dans son intégralité pour une durée de deux mois, soit jusqu’au 24 août 2020.

 

En l’absence de réponse de l’administration, la date du 24 août 2020 constituera donc la date de naissance de la décision implicite de rejet (qui devra être contestée dans un délai de deux mois devant le Tribunal administratif).

Rédigé par Adrien SOUET - Avocat

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